L’institution d’enseignement supérieur avec le plus grand nombre d’étudiants arabes israéliens n’est plus en Israël. Au contraire, elle se situe dans la ville de Jénine, en Cisjordanie, sous Autorité Palestinienne.
L’université arabe américaine de Jénine, une institution privée gérée en collaboration avec l’université d’état de Californie à Stanislaus et l’université d’état de l’Utah, compte 6 215 étudiants arabes israéliens — bien plus que les 5 444 étudiants arabes israéliens de l’université de Haïfa, qui attirait traditionnellement plus d’Arabes israéliens que tout autre institution en Israël.
Les chiffres sont issus d’une étude conjointe entre l’Institut Aaron de politique économique au Centre Interdisciplinaire de Herzilya et l’unité de recherche du ministère des finances israélien.
Le grand nombre d’inscriptions à l’université arabe américaine est un phénomène relativement nouveau. L’université, fondée en 2000, est la première et l’unique université palestinienne exclusivement privée sous Autorité Palestinienne. En 2007, seuls 35 Arabes israéliens y étaient inscrits, mais le nombre a doublé l’année suivante et n’a cessé d’augmenter depuis lors.
Aujourd’hui, les Arabes israéliens représentent plus de la moitié du nombre d’étudiants de l’université de Jénine, plus 5 % venant de l’étranger.
Les frais de scolarité à l’université de Jénine sont de 25 000 à 35 000 shekels ($7 000 à $9 900) par an et l’enseignement y est dispensé en anglais. Y sont proposés différents programmes aussi bien dans la santé, que le droit, la technologie, les sciences sociales, le commerce, les études d’ingénieur, de dentiste ou d’infirmierère. Elle propose également des études de médecine, conjointement avec l’Université de Jordanie.
L’université arabe américaine jouit actuellement d’une tendance qu’on les Arabes israéliens à vouloir étudier en dehors d’Israël, particulièrement la médecine et les disciplines connexes. Les chiffres des ministères de la Santé et de l’Education permettent d’estimer que 70% des Arabes israéliens qui ont obtenu une licence en dentaire en 2014-15 ont étudié à l’étranger. D’autres professions ont un pourcentage moins fort mais toutefois étonnamment élevé de détenteurs de diplômes étrangers : 64% en pharmacie, 32% en médecine et 31% de kinésithérapie.
A l’université arabe américaine, 81% des étudiants arabes israéliens y suivaient des cours dans les domaines de la santé. Seuls 9 % étudiaient les sciences de l’éducation, 5 % les sciences sociales et les arts et 3 % les sciences.
"Depuis 2012, le taux d’Arabes étudiant en dehors d’Israël a augmenté de 66% et nous pensons que la raison principale est qu’il existe une grande différence entre le nombres de personnes voulant acquérir un diplôme dans les professions de la santé en Israël et le nombre de places disponibles dans ces domaines dans les universités", explique Zeev Krill, l’un des quatre auteurs de l’étude.
Le manque de place en écoles de médecine ne touchent pas uniquement les Arabes israéliens, un grand nombre de Juifs israéliens ne parviennent pas obtenir une place dans une institution israélienne et partent étudier à l’étranger. Mais le problème est plus prononcé pour les étudiants arabes israéliens. Ils n’ont jamais été aussi nombreux à entrer à l’université, mais leur accès demeure restreint par un nombre limité de places et des conditions d’admissions difficiles.
L’étude démontre qu’en créant une situation dans laquelle tant d’Arabes israéliens partent à l’étranger pour obtenir leurs diplômes, Israël perd le contrôle sur la qualité des études, nuisant à leur capacité à s’intégrer dans la société israélienne et les privant d’une opportunité d’améliorer leurs compétences en hébreu.
Tout ceci nuit aux performances économiques d’Israël dans son ensemble et prive les universités locales des revenus générés par les frais de scolarité.
Nombre d’étudiants sont inscrits dans des domaines ayant peu de potentiel d’emploi, information soulignée par Samer Haj Yehia, un Arabe israélien nommé président de la Banque Leumi de mois-ci.
Intervenant lors d’une table ronde sur le sujet au Centre Interdisciplinaire de Herzliya en mars dernier, il explique : "Le Conseil de l’Enseignement Supérieur en Israël a atteint son objectif de 20 % d’Arabes dans l’enseignement supérieur, mais chacun sait que cette réussite est trompeuse. Ces 20 % comprennent un haut pourcentage d’étudiants dans des domaines sans avenir, comme les sciences sociales. Ils passent tout simplement des études aux chômage."
Selon l’étude, les candidats arabes israéliens sont handicapés par le fait de qu’ils sont issus d’écoles obtenant des budgets bien moindres des gouvernements nationaux ou locaux. Leur taux d’admission dans les écoles israéliennes de médecine est de 23%, contre 35% pour les Juifs israéliens. Pour ce qui est des professions connexes à la santé, les taux respectifs sont de 36% et 60%.
Les Arabes israéliens ont également plus de mal à trouver du travail une fois leur diplôme obtenu. Parmi les diplômés juifs, 60 % trouvent du travail dans les professions de la santé, pour seulement 36 % des Arabes.
Nombre de ceux qui ne sont pas admis en Israël partent étudier à l’étranger. "Environ un quart des étudiants arabes étudient à l’étranger, en grande majorité dans les domaines de la santé", souligne Krill.
Krill et ses co-auteurs expliquent que la réponse à ce problème serait d’ouvrir une nouvelle école de médecine en Israël qui accepterait plus d’étudiants arabes, ou tout au moins d’augmenter les inscriptions dans les écoles existantes. Le Conseil de l’Enseignement Supérieur a récemment abandonné le projet d’ouvrir la première université pour arabophones tandis que l’idée d’augmenter les inscriptions en écoles de médecine stagne.
Mais les chercheurs expliquent que la vraie solution se situe au niveau des enseignements élémentaire et primaire et dans l’élimination des disparités de ressources et de performances scolaires entre les Israéliens juifs et arabes.
"Dans la société arabe, les écoles sont bien plus importantes que toute autre chose pour réduire les disparités. Parce que leur capacité de parents à investir dans l’éducation de leurs enfants est faible, les autorités locales sont médiocres alors que les élèves juifs sont dans des groupes de jeunes et peuvent s’appuyer sur une éducation informelle", explique une autre chercheuse, Marian Tehawkho.
"Pour un enfant arabe, il n’y a que l’école, et même là, il y a moins d’argent et moins de bons enseignants, car ils sont les produits du même système scolaire défaillant", souligne-t-elle.
Traduction de l’anglais original par l’AURDIP